Steve Peedell a étudié la géographie à l’Université de Leicester au Royaume-Uni et est titulaire d´un master en gestion des ressources naturelles. Il est spécialisé aux systèmes d’information géographique et tout au long de sa carrière il a utilisé la technologie géospatiale pour aider à comprendre les données complexes qui se rapportent à la politique. a travaillé dans le domaine des aires protégées en Europe, en Afrique et ailleurs, ainsi que dans d’autres secteurs tels que de l’eau et l’agriculture, en utilisant toujours la technologie géospatiale, la télédétection et l’observation de la Terre comme arrière-plan. Au présent, il dirige l´équipe du Centre commun de recherche engagée dans le programme pour la biodiversité et gestion des aires protégées (BIOPAMA).
De quoi s´agit-il le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission Européenne?
Le CCR est un pôle scientifique. Le Centre commun de recherche est le service scientifique interne de la Commission européenne. Notre travail consiste à fournir les preuves qui soutiennent une politique couvrant un très large éventail de secteurs. Nous fournissons les données, outils et services pour promouvoir l’utilisation de preuves à la conception, au suivi et à la mise en œuvre des politiques publiques.
Un exemple de ce que nous faisons, qui traite spécifiquement de notre rôle en Afrique, est le rapport intitulé Science pour l’Union africaine – Construire la connaissance pour le développement durable, produit à la fin de 2017, où nous présentons les principales conclusions de notre travail et sur les options que les communautés de prise de décision, de recherche et d’éducation peuvent envisager.
Quelle différence est-ce que BIOPAMA veux établir dans le secteur de biodiversité et gestion des aires protégées?
Le slogan de BIOPAMA est « De la connaissance à l’action pour une planète protégée ». Bien que souvent il existe plusieurs données et informations relatives aux questions de biodiversité, nous constatons toujours une tendance de déclin de la biodiversité et des menaces et des pressions croissantes sur les aires protégées. Il ne suffit pas de documenter ce qui se passe pour obtenir des résultats. Le défi de BIOPAMA est de prendre ces preuves et de les mettre entre les mains des décideurs appropriés afin que des données pertinennts conduisent à des décisions plus efficaces et plus efficientes à la fois pour la nature et pour les personnes.
En effet, notre travail dans le programme BIOPAMA consiste essentiellement à intégrer les données dont nous disposons déjà, puis à les regrouper, les analyser et les présenter d’une manière qui ait un sens, non seulement pour les praticiens sur le terrain, mais également pour les décideurs au niveau politique.
BIOPAMA vise à soutenir les processus de prise de décision fondés sur des preuves depuis des aires protégées individuelles jusqu’au niveau mondial. Comment pouvons-nous y arriver?
Au lieu d’examiner d’abord les données, nous nous concentrons sur les objectifs. Qu’essayez – vous de réaliser? Si vous examinez une stratégie régionale pour la biodiversité, un plan d’action national pour la biodiversité ou un plan de gestion de site individuel pour une aire protégée donnée, vous avez beaucoup d’objectifs que nous voulons atteindre dans une certaine période. Pour chacun de ces objectifs, nous pouvons définir des indicateurs et des cibles qui peuvent être mesurés.
Donc, un domaine d’action majeur est d’accroître le niveau de communication autour des données. Les personnes avec qui nous travaillons sur le terrain au sein des autorités nationales ou au niveau des aires protégées n’ont pas le temps de gérer des données brutes détaillées ou des masses de données scientifiques. Nous devons traduire les données en produits de connaissance qui puissent appuyer la prise de décision, faire ressortir les relations, les tendances et les priorités clés que les gens devraient traiter, et donner quelques indications sur la manière dont ils peuvent être administrés par une analyse pratique des données dont nous disposons.
En de nombreux cas, bien sûr, nous devons combler les lacunes des données. Il existe toutes les données nécessaires pour comprendre un problème spécifique, en particulier le lien entre la biodiversité et les populations. Ainsi, nous pourrions avoir dans certaines cas, par exemple, d’excellentes données sur la répartition des espèces, mais nous ne disposons d’aucune information sur les conflits entre l’homme et la faune sauvage ni sur les aspects socio-économiques des aires protégées.
Quelle est la contribution du CCR à ce processus?
BIOPAMA est un programme mis en œuvre conjointement par l’Union internationale pour la conservation de la nature et le Centre commun de recherche . Et même si nous travaillons en étroite collaboration avec l’UICN pour la mise en œuvre du programme, nous nous concentrons particulièrement sur la composante des données et les systèmes d’information qui prennent en charge l’utilisation des preuves dans les processus de prise de décision.
Au BIOPAMA, notre rôle est de produire le système d’information de référence qui peut servir de base pour montrer, nous esperons, l’importance de la biodiversité, non seulement du point de vue de la conservation, mais aussi du point de vue du développement. Nous sommes intéressés par la mise en relation des personnes et de la nature et par l’analyse des données pour montrer que le lien est non seulement très réel, mais peut-être même parfois pas complètement compris et pas complètement intégré dans le contexte politique.
En décembre 2018, nous avons lancé la deuxième version de ce que nous appelons le système d’information de référence BIOPAMA (RIS 2.0), notre véhicule phare pour fournir des informations sur les aires protégées et la biodiversité aux pays ACP.
Le système d’information de référence (RIS) du BIOPAMA est basé sur des objectifs afin de mesurer les tendances, les progrès, les résultats des objectifs définis par les utilisateurs, tels que les gestionnaires d’aires protégées ou les autorités environnementales nationales, et ces informations devraient être utilisées pour orienter les décisions.
Le système d’information de référence du BIOPAMA est-il une nouvelle base de données où l’on trouvera toutes les informations concernant les aires protégées et la biodiversité?
Non, nous ne sommes pas en train de construire une nouvelle base de données, ni de compiler toutes les données possibles établies sur la biodiversité dans un seul endroit. Rassembler des données n’est pas vraiment la solution. Les données existent quelque part, nous devrions les relier. Nous essayons de mettre les choses ensemble sans les dupliquer. Nous n’avons pas l’intention d’être les détenteurs des connaissances, nous voulons nous unir, nouer des liens et rendre le flux de données meilleur et plus intelligent afin de mieux comprendre les interrelations très complexes qui existent autour des aires protégées.
Alors, quel est exactement le système d’information de référence?
Le système d’information de référence est une technologie open source avec accès contrôlé aux données et un système interopérable. Ce sont des mots très grandioses pour simplement signifier que la technologie du système développé au niveau des régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique peut également être réutilisée au niveau régional sans aucun coût de licence de logiciel et que beaucoup de données peuvent simplement être échangées et faciliter le flux d’informations de système à système.
Tout le monde, n´importe qui, peut accéder, utiliser ou partager les données téléchargées sur le RIS?
Nous reconnaissons que dans le domaine de la biodiversité, de nombreuses données sont sensibles. Peut-être en raison de la possibilité d’identifier des organisations ou des activités spécifiques ou peut-être dû à la possibilité detraiter des sujets sensibles tels que le braconnage. Dans le RIS, nous avons des moyens de partager ces informations avec des personnes sélectionnées qui disposent des autorisations et des informations d’identification appropriées pour accéder à ces informations.
Qui va fournir des informations et compiler des données ? Et qui va télécharger des informations sur le système d’information de référence ?
La responsabilité du CCR est de développer le système d’information de référence en tant que cadre très robuste et maintenir les informations dans l’ensembledes 79 pays ACP. Ce n’est pas le rôle du CCR de compiler toutes ces informations ni de surveiller les performances des aires protégées dans les pays ACP.
La responsabilité à long terme de l’installation et de l’utilisation des RIS se présente comme un partenariat avec les acteurs de l’environnement impliqués dans les observatoires que nous exploitons au niveau régional par le biais du BIOPAMA. Ils doivent jouer un rôle très important dans la poursuite de ce processus et s’assurer que le RIS appuie les processus décisionnels.
En effet, nous espérons qu’au fil du temps tous les acteurs impliqués dans les aires protégées et la biodiversité puissent ajouter ces objectifs, remplir la base de données et utiliser ces informations pour prendre des décisions.
Quelles sont les principales activités qui seront mises en œuvre par le Centre commun de recherche au BIOPAMA?
Dans cette deuxième phase, qui s’étend de 2017 à 2023, le CCR est responsable du développement en cours d’un système appelé Observatoire Digitale des Aires Protégées (DOPA) à l’échelle mondiale, qui traite de la situation mondiale de plus de 200 000 aires protégées.
Outre le développement d’outils informatiques et de systèmes d’information à l’appui des observatoires régionaux et des pays, nous renforçons les capacités d’utilisation des outils développés et de leur exploitation pour améliorer la planification et la gestion. En fonction de la demande, nous pouvons également fournir une assistance pour les travaux de surveillance, d’analyse, de visualisation et de rapport.
Quelle est la différence entre DOPA et RIS?
L‘Observatoire Digitale des Aires Protégées (DOPA) est global, il comprend toutes les aires protégées de plus de 25 km2, ce qui représente, je croix, plus de 95% de la superficie qu’elles couvrent, sans compter les très petites aires protégées. Nous y avons quelques informations et nous fournissons environ 400 indicateurs différents utilisant des données globalement harmonisées.
Le système d’information de référence (RIS) du BIOPAMA couvre environ 9 000 aires protégées réparties dans 79 pays des régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Les informations sont basées sur les objectifs et la cible, mais nous pourrons voir des informations beaucoup plus riches et plus détaillées car les données sont créées au niveau local, à partir d’une zone protégée spécifique.
Au fil du temps, nous obtiendrons ces données du RIS et nous les alimenterons progressivement pour améliorer les bases de données mondiales. Par exemple, en utilisant le DOPA, nous pouvons voir le niveau global des espèces basé sur la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN. Mais nous pouvons avoir une visualisation des données beaucoup plus détaillées sur la distribution des populations des espèces parmi une zone protégée particulière ou un écosystème dans le RIS, et cela devrait permettre aux gens d’analyser les menaces au cas par cas.
L’autre différence majeure est que le RIS se concentre également sur les aspects de gestion des aires protégées et de la conservation de la biodiversité, tandis que le DOPA est surtout une carte basée sur un système géographique où nous générons des indicateurs sur les données spatiales. Chez RIS nous le faisons aussi, mais il apporte également dans cette efficacité de gestion des évaluations sociales et d´autres ensembles de données qui nous aident à comprendre la complexité de la gestion d’une aire protégée.
Enfin, dans le BIOPAMA, nous essayons de stimuler la collecte, la compilation et le partage de données. Et le plus ça se passe, le plus nous allons améliorer les liens entre tous les différents ensembles de données à partir de la base. Nous croyons fortement que pour avoir un bon ensemble de données mondiales, nous devons commencer au niveau local, où les gens savent vraiment ce qui se passe et essaient de nourrir tout au long de la chaîne.
Après avoir lancé le RIS 2.0, quelles sont les prochaines étapes?
Nous sommes toujours en train d´améliorer les caractéristiques de ce système RIS ACP et, en même temps , nous prenons cette nouvelle approche à base d’objectifs et apportons progressivement ces fonctions dans trois systèmes régionaux existants, à savoir le portail des Caraïbes , le portail des aires protégées des îles du Pacifique et l’ observatoire des forêts d’Afrique centrale.
Nous allons déployer des spécialistes techniques pour travailler dans chacune des régions afin de développer exactement ces outils. Ainsi, si vous avez une cible qui se situe au niveau régional, vous devriez pouvoir définir cette cible et les données nécessaires pour mesurer vos progrès dans la version régionale de ces systèmes.
Définitivement, beaucoup de nos efforts cette année se concentreront sur la construction de ces systèmes d’information de référence régionaux, en encourageant leur utilisation avec une approche basée sur cible, aidant à alimenter le système d’information régional pour analyser les priorités régionales.
Pourriez-vous donner un exemple de la manière dont le RIS pourrait être utile pour soutenir les processus de prise de décision basés sur des preuves?
Les activités en cours dans la création de rapports sur l’état des aires protégées sont un exemple d’utilisation potentielle des systèmes régionaux. Nous avons besoin que les systèmes régionaux fournissent les preuves pour générer des analyses.
Un autre cas est le nouveau composant d´action de BIOPAMA. La demande de financement doit être intelligente, étroitement liée aux données et informations, et une fois que l’action est sur le terrain, nous attendons un feedback pour que nous obtenions des activités qui génèrent des données et les réintègrent dans le système RIS afin qu’il se développe au cours du temps.
Disons que je suis un gestionnaire d’aire protégée, d’où dois-je commencer à utiliser les RIS?
Si vous êtes dans une région où nous avons déjà mis en place une version régionale du système d’information de référence, alors vous devriez commencer à contacter l’observatoire ou le centre régional.
Vous pouvez également participer aux webinaires en cours sur les données, pendant lesquels notre équipe explique plus en détail comment utiliser le RIS. L’idée est très simple: vous dites ce que vous voulez réaliser, vous identifiez ce dont vous avez besoin pour mesurer les progrès accomplis, vous demandez ces données et, si elles ne sont pas présentes, nous cherchons via BIOPAMA un moyen de les créer. Ensuite, vous les employer et vous pourrez voir au fil du temps comment vous allez de votre base vers cet objectif, quels que soient les résultats en matière de gestion écologique, sociale et économique.
Souhaitez-vous partager un message avec tous les partenaires BIOPAMA?
Nous voulons entendre le plus possible les régions, les gens qui font tout le travail fantastique sur les aires protégées. Et je voudrais saisir cette occasion pour exprimer mon respect à toute personne travaillant sur des aires protégées: vous avez un emploi incroyablement difficile. Vous êtes très dévoués et nous voulons vous aider dans ces efforts.
Nous voulons vous faciliter la vie et vous permettre de vous concentrer sur des choses importantes. Nous comprenons que vous n’avez peut-être pas autant d’intérêt pour la technologie et les systèmes d’information. Vous avez d’autres priorités très importantes. Nous sommes donc là pour aider et nous ne pouvons aider que si vous nous dites exactement de quoi vous avez vraiment besoin. Et donc, si vous pouvez nous aider en nous disant comment nous pouvons vous aider, nous sommes très ouverts à vous écouter, à travailler avec vous et à adapter notre travail à ce que vous recherchez.
Notre adresse électronique de contact est la suivante: Stephen.PEEDELL@ec.europa.eu. Vous pouvez également consulter les détails de l’équipe d’experts du CCR travaillant sur cette page du site web BIOPAMA.
Et n’oubliez pas, il existe également une plateforme appelée Yammer, groupe professionnel en croissance constante, avec plus de 600 personnes à travers le monde signées à notre communauté. C’est une excellente plateforme pour partager des idées, des questions, des documents de données et entrer en contact.
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Note explicative:
Technologie open source : le code source d’une technologie spécifique est disponible sous une licence ouverte. Non seulement la technologie peut être utilisée gratuitement, mais les utilisateurs disposant des compétences techniques nécessaires peuvent inspecter le code source, le modifier et utiliser sa propre version du code, ce qui permet de corriger les bogues, de développer de nouvelles fonctionnalités, etc.
Système interopérable : systèmes informatiques ou logiciels capables d’échanger et d’utiliser des informations. Source : http://opendatahandbook.org/glossary/
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